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déc. 09, 2019, Par: Michelle Danda
Messages à retenir
- Avec des efforts délibérés pour adopter et mettre en application des pratiques exemplaires, il est possible de faire évoluer les services pour les dépendances et l’abus de substances.
- En se concentrant spécifiquement sur la relation clinicien-patient, avec des principes fondamentaux comme la compassion, la pratique tenant compte des traumatismes, les soins centrés sur la personne et la pratique axée sur le rétablissement, on peut avoir une base solide pour bâtir un programme fondé sur les valeurs.
- Mobiliser le personnel et encourager ses contributions et sa participation dans le cadre d’un dialogue ouvert et honnête sur les difficultés qu’il doit surmonter peut avoir un effet transformateur sur la satisfaction au travail.
Les questions de santé mentale et de dépendances sont abordées plus fréquemment dans les médias récemment, en particulier en ce qui concerne les personnes qui souffrent à cause de la crise des opioïdes et en subissent les pertes. Le fait qu’il est surtout question de mort et de destruction, et le traumatisme qui en résulte pour le personnel infirmier, en particulier dans les urgences, les soins actifs de santé mentale pour patients hospitalisés et les programmes communautaires de santé mentale et dépendances, tout cela peut entraîner la détresse morale et l’épuisement professionnel. Certains risquent même d’abandonner définitivement la profession.
En cette période difficile, je crois que nous devons plus que jamais nous concentrer sur l’excellent travail que font les infirmières et les infirmiers en réponse à cette crise. C’est en effet en me recentrant sur le positif que j’ai sauvé ma carrière.
Mon parcours inclut un programme de santé mentale et usage de substances centré sur les jeunes, axé sur la collaboration, soigneusement conçu et bien réalisé. En en parlant ici, je souhaite donner espoir et montrer que le changement systémique est possible quand la compassion et l’expertise du personnel infirmier en tant que praticiens de soins de santé holistiques sont reconnues et appréciées à leur juste valeur au sein d’une équipe de soins interdisciplinaire.
Apporter un changement
Je vis dans le Lower Mainland (C.-B.) et y travaille comme infirmière. J’exerce en santé mentale depuis le début de ma carrière infirmière, il y a dix ans. Au fil des années, j’ai vu de nombreux changements dans les soins de santé mentale, et pas toujours pour le mieux.
Il y a environ trois ans, j’ai compris que je devenais désabusée et frustrée par la séparation des services de santé mentale et des services de traitement des dépendances et par le fossé entre les fournisseurs de soins en milieu hospitalier et ceux dans la communauté. Je voulais progresser sur le plan professionnel, mais je me rendais compte que tous les jours, je rentrais du travail en colère, je me sentais incomprise, sous-appréciée et impuissante dans mon rôle d’infirmière. J’avais besoin de changement.
Puis, en 2017, j’ai eu l’occasion de faire partie d’un programme interdisciplinaire, novateur et fondé sur la collaboration pour des adolescents hospitalisés avec des troubles concomitants à North Vancouver. Le programme s’adresse à des jeunes de 13 à 18 ans qui vivent avec des problèmes complexes de santé mentale et d’usage de substances. J’ai toujours considéré que ce domaine était complexe, mais j’ai sauté sur l’occasion. L’objectif était ambitieux : aider des jeunes aux prises avec de multiples obstacles, des gamins qui n’avaient pas réussi jusque-là dans des programmes de traitement communautaires. Le programme n’avait pas le même objectif que le modèle traditionnel « taille unique » des soins de santé mentale. Il utilisait plutôt un modèle centré sur la collaboration et les forces, avec une planification des soins personnalisée et holistique pour le rétablissement, en fonction des besoins et des objectifs des jeunes patients.
Se recentrer : appliquer les pratiques exemplaires en santé mentale
Le modèle est encourageant, surtout en comparaison avec ce dont j’avais l’habitude dans les services de santé mentale pour adultes en milieu hospitalier, où le rôle des infirmières et infirmiers semblait surtout être de réduire les risques, renforcer l’observation et accroître la sécurité. En travaillant dans divers domaines des soins pour adultes, j’ai commencé à voir nettement l’abandon des modèles de soins centrés sur la personne et sur les relations et la montée de l’aversion au risque sous prétexte de « sécurité » à tout prix, semblait-il, quitte à sacrifier la dignité et l’autonomie des patients. J’avais besoin de plus; j’avais besoin de mieux. J’avais besoin de travailler avec un système qui utilisait pour les soins des pratiques exemplaires axées sur les forces et qui visait le rétablissement.
Dans l’équipe de soins pour les adolescents hospitalisés avec des troubles concomitants, je me suis vraiment sentie entourée de personnel clinique qui partageait mes convictions au sujet de la pratique tenant compte des traumatismes. Pour la première fois de ma carrière, j’ai eu des conversations ouvertes et honnêtes, en équipe, sur la prestation de soins tenant compte des traumatismes au sein d’un système principalement fondé sur le traitement non volontaire. J’avais le sentiment d’avoir enfin le temps, la latitude et le soutien nécessaires pour offrir les meilleurs traitements à des patients qui voyaient souvent leur hospitalisation d’un œil incertain.
Ce milieu de travail est ouvert et accueillant, et non sombre et professionnellement étouffant. Je vois de mes yeux l’effet que l’environnement et la philosophie du personnel peuvent avoir sur les résultats pour les patients. Je vois ce qui se passe, par exemple, quand on se soucie de créer des unités avec des espaces ouverts et baignés de lumière naturelle, avec des endroits où tenir des conversations privées entre patients et cliniciens, tout en encourageant les interactions sociales. La pratique tenant compte des traumatismes est devenue davantage qu’une expression à la mode. Le personnel clinique échange souvent sur l’effet des soins. Il y a un effort délibéré et concerté pour réduire le plus possible les possibilités de traumatismes iatrogéniques causés par les soins de santé mentale en milieu hospitalier.
Je suis fière de dire que je travaille à présent dans une équipe qui renforce l’autonomie du personnel et l’encourage à apporter de nouvelles idées au lieu de simplement maintenir le statu quo. Je suis contente quand je pense au travail que nous faisons et à nos efforts pour connaître le parcours personnel de chacun des jeunes, même dans des conditions difficiles comme des hospitalisations involontaires.
Reconnaître la différence
Je reconnais que le personnel infirmier en santé mentale souffre souvent d’épuisement professionnel et de détachement par rapport à son travail sous l’effet de la détresse morale, des traumatismes par personne interposés et du désespoir causé par des conditions de travail difficiles, entre autres le manque de personnel, des locaux mal conçus et des lacunes dans la formation. Le résultat? Du personnel insatisfait au travail et beaucoup de roulement.
Il faut consacrer plus d’énergie et d’idées à la création et à la promotion de milieux de travail qui stimulent l’intérêt du personnel infirmier, sa passion et son enthousiasme pour son métier et les possibilités qui se présentent jour après jour. Chaque jour, nous pouvons nous servir de notre curiosité, de notre compassion et de notre attention sincères pour améliorer la vie de nos patients.
C’est aussi, en partie, le fruit du leadership énergique du personnel qui fait passer en premier des soins aux patients à la fois personnalisés et fournis en collaboration, en tenant compte des choix des patients au sujet de leurs soins. Ainsi, nous nous asseyons avec chacun d’eux pour discuter de leurs objectifs personnels pour leur rétablissement et nous relayons cette information à l’équipe de soin pendant la tournée des patients. Les soins que reçoit le patient sont meilleurs quand il est vu comme un être humain qui a droit à nos soins, quels que soient son diagnostic, sa situation personnelle ou le nombre de fois où il s’est fait soigner.
Il reste du travail à faire
Je suis aussi consciente que notre équipe a encore des défis à relever, comme toute équipe de soins interdisciplinaires, avec des intervenants de professions réglementées et non réglementées : une occasionnelle confusion quant aux rôles, quelques failles dans les communications et lacunes dans les connaissances (en particulier pour les cliniciens qui débutent dans le milieu hospitalier). Cependant, en redéfinissant chaque problème comme une occasion de former et de soutenir durablement les membres de l’équipe interdisciplinaire, on peut progresser vers une compréhension meilleure et partagée de tous les aspects du rôle des infirmières et infirmiers.
Les interactions entre les membres de l’équipe offrent des occasions d’échanges qui n’existent pas quand les intervenants travaillent isolément, chacun dans sa discipline. Le soutien de la direction et l’inclusion réelle du personnel de soins directs dans la prise des décisions concernant la pratique sont également essentiels pour renforcer l’autonomie et l’intérêt du personnel clinique.
Néanmoins, les jugements moraux et la stigmatisation dont font l’objet la santé mentale et la consommation de substances occultent encore le besoin d’aide des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale. En pleine crise des surdoses, nous pouvons trop facilement perdre de vue le potentiel positif quand nous voyons le comportement autodestructeur de certains patients et sommes aux prises avec une détresse morale.
Pour sauver ma carrière et raviver ma passion pour la profession infirmière, j’ai délibérément choisi de travailler dans une équipe de soins en phase avec mes valeurs et convictions personnelles, et ce choix m’a aidée à voir le positif dans notre travail, même au milieu de grandes souffrances.
Michelle Danda, inf. aut., M. Sc.inf., MPN, inf. aut., CPMHN(C), est diplômée du programme accéléré de baccalauréat en sciences infirmières de l’Université de Calgary (2008). Actuellement, elle vit et exerce en soins infirmiers en santé mentale à l’Hôpital Lion’s Gate de North Vancouver (C.-B.). Elle a quatre beaux enfants avec son partenaire, qui est aussi infirmier en santé mentale. Elle est également étudiante à temps plein dans le programme de doctorat en sciences infirmières de l’Université de l’Alberta.
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