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juin 08, 2020, Par: Laura Eggertson
Pendant les sept premiers jours où il était le seul professionnel de la santé à un campement installé à Victoria pendant la pandémie de coronavirus, Corey Ranger s’est occupé de neuf surdoses.
Les neuf personnes ont survécu, grâce à sa prévoyance et à son expérience. Il a apporté sa naloxone personnelle quand il s’est proposé pour offrir bénévolement des soins primaires au campement, qui abritait 250 itinérants dans la capitale de la Colombie-Britannique.
Quand le campement a été monté dans la hâte après que les refuges aient fermé ou réduit leur capacité d’accueil à la mi-mars, il a fallu attendre une semaine avant que les résidents aient des lavabos avec de l’eau et du savon.
Dix jours de plus se sont écoulés avant que les gens aient accès à des douches, raconte M. Ranger. La situation a rendu virtuellement impossible la mise en place des mesures de santé publique nécessaires pour prévenir la propagation du coronavirus : lavage de mains fréquentes et distanciation physique.
Négliger d’offrir ces outils essentiels aux gens pendant une pandémie est emblématique de la stigmatisation de la consommation de substances, de la maladie mentale et de l’itinérance, fait valoir M. Ranger. Il a donc pris la parole et il est venu en première ligne.
Pendant la majeure partie de sa carrière, M. Ranger a eu pour objectif de lutter contre cette stigmatisation et œuvrer pour l’équité et des politiques publiques pragmatiques.
« Ça montre notre incapacité à créer, pour un groupe démographique, le même sentiment d’urgence que nous avons créé pour tous les autres groupes, souligne-t-il. Nos mesures n’ont pas été équitables. »
Il est crucial de combattre la stigmatisation
Pendant la majeure partie de sa carrière, M. Ranger a eu pour objectif de lutter contre cette stigmatisation et œuvrer pour l’équité et des politiques publiques pragmatiques. Et c’est aussi vrai pendant la pandémie de COVID-19 et la crise des opioïdes, qui se sont chevauchées.
Après avoir obtenu son diplôme d’infirmier auxiliaire au Collège de Medicine Hat en 2011, puis son baccalauréat en sciences infirmières en 2013 à l’Université de Calgary, M. Ranger, 31 ans, a travaillé en Alberta et en C.-B. en gériatrie, en chirurgie et en soins postopératoires ainsi qu’en réduction des méfaits, en santé mentale, en désintoxication et en stabilisation.
Il a découvert sa vocation alors qu’il était en troisième année à l’École de sciences infirmières de Calgary, lorsque sa classe a regardé Street Nurse, un documentaire sur Cathy Crowe, infirmière activiste à Toronto.
« Le documentaire portait sur son plaidoyer et sa contribution à l’amélioration des conditions de vie de gens qui ont rarement la possibilité de se faire entendre, se souvient M. Ranger. Je l’ai vue confronter la Direction de la Santé publique de Toronto pendant une éclosion de tuberculose et plaider pour que le logement soit considéré comme une première ligne de protection. J’ai été sidéré par sa façon de mobiliser des gens pour faire valoir les droits de ceux qui sont victimes d’oppresseurs institutionnels, et j’ai su ce que je voulais faire. »
Pendant un préceptorat à Streetworks, un programme d’action infirmière directe à Edmonton, M. Ranger s’est familiarisé avec la réduction des méfaits, l’importance des déterminants sociaux de la santé et les pratiques anti-oppressives. Cette expérience a confirmé le désir de M. Ranger de travailler dans ce domaine. Ses collègues du milieu infirmier lui ont appris l’importance de fournir les soins de santé en établissant des relations et la nécessité de militer pour s’assurer que le personnel infirmier puisse fournir des soins, y compris par l’entremise de sites d’injection supervisée et d’autres programmes de réduction des méfaits.
« Les gens sous-estiment vraiment l’utilité de tisser des liens et d’établir une relation de confiance avec les personnes qui, de tradition, sont tenues à l’écart des soins de santé », affirme M. Ranger.
Les relations sont déterminantes
Il mesure la réussite au nombre de gens qui l’ont demandé personnellement, plus qu’au nombre de services qu’il a fournis.
« J’en suis réellement venu à me concentrer sur la dimension humaine de la profession et des soins centrés sur le patient, le fait de comprendre vraiment les besoins des gens, sans porter de jugements paternalistes », confie-t-il.
Encore maintenant, les systèmes de santé préféreraient souvent que le personnel infirmier fasse son travail sans parler de changement…
Son poste à Streetworks a mené M. Ranger à un emploi où il fournissait des services de réduction des méfaits dans un dispensaire traitant les ITS. Il a ensuite offert un programme de traitement du VIH, employé la thérapie cognitivo-comportementale pour aider les clients aux prises avec des problèmes de santé mentale, travaillé comme chef d’équipe dans une unité médicale de désintoxication, enseigné la pharmacologie et les soins infirmiers en santé mentale et supervisé des stages cliniques au Collège de Medicine Hat, entre autres emplois.
M. Ranger gère actuellement un projet pour le ministère de la Santé mentale et des Dépendances de la Colombie-Britannique. Il conçoit, met en œuvre et évalue le programme d’études et les normes de pratique de la province pour les pairs qui ont eux-mêmes vécu des problèmes de santé mentale et de dépendance. Il veut faire en sorte qu’ils soient mieux payés et appréciés.
« J’ai vu des pairs qui avaient la tâche la plus difficile, qui portaient souvent le poids émotionnel et physique du travail. Ils étaient les moins bien payés de l’équipe (quand ils étaient payés), et ils étaient traités comme une présence symbolique que l’on peut se permettre d’ignorer », raconte M. Ranger.
Il s’est absenté temporairement du projet pour travailler au campement à cause de ce qu’il appelle « la faible réactivité » des gouvernements, qui tardaient à concevoir un plan de sécurité adapté pour les personnes aux prises avec l’itinérance et des dépendances.
Avec l’activisme, on obtient des résultats
Consultant au sein de l’équipe d’intervention COVID du centre-ville de Victoria et siégeant au Centre des opérations d’urgence du même secteur, M. Ranger a, avec l’aide de ses collègues, aidé à persuader les gouvernements de se procurer des chambres d’hôtel et de déménager les gens dans un endroit où ils pourraient s’auto-isoler.
« Les infirmières et les infirmiers doivent participer pleinement à l’élaboration des politiques… Nous devons être au premier plan et orienter les efforts, insiste M. Ranger. Nous sommes là toute la journée, en première ligne, pas à l’abri de conférences Zoom à modifier des politiques. »
Encore maintenant, les systèmes de santé préféreraient souvent que le personnel infirmier fasse son travail sans parler de changement, ajoute M. Ranger. « Il y a beaucoup de manipulation en soins infirmiers. »
Malgré sa tendance naturelle à confronter les gens lorsqu’il est témoin de discrimination, M. Ranger a appris à être patient. Quand un chirurgien a rechigné à traiter un patient séropositif, par exemple, il a ouvert le dialogue. Il a si bien informé le médecin que celui-ci a opéré le patient et a même développé une relation d’amitié avec lui.
Quand des mesures plus directes sont nécessaires, cependant, M. Ranger n’hésite pas. En février, il est revenu en Alberta pour aider à organiser une « manifestation couchée » à l’Assemblée législative pour réclamer des services de consommation supervisée.
La partenaire de M. Ranger, Kimberley Ranger, lui laisse du temps pour occuper des postes prenants et faire du bénévolat. Pendant la pandémie, elle a réduit ses heures comme directrice des communications pour s’occuper de leurs enfants, Mackenzie, 5 ans, et Benjamin, 3 ans. Son rôle a été d’autant plus majeur que M. Ranger a vécu sous la tente, dans leur garage, pour éviter toute possibilité de transmission de la COVID-19.
Kimberly est l’une des nombreuses femmes qui ont inspiré M. Ranger au cours de sa vie, confie-t-il, avec sa mère, Debbie Ranger, infirmière de salle d’opération. Il sera heureux de revenir à une vie où sa famille et lui peuvent faire davantage d’excursions, travailler leur français et voir les membres de la famille élargie, raison pour laquelle ils ont quitté l’Alberta pour la Colombie-Britannique.
En attendant, il continue de militer et d’œuvrer pour une plus grande équité dans l’élaboration des politiques.
« Quand on met en œuvre une nouvelle politique ou un nouveau programme pour les personnes qui sont sans abri ou qui consomment des drogues, il faut faire participer ces personnes à la planification ou à l’élaboration des politiques pour qu’elles puissent dire ce qui va marcher ou non. Nous devons saluer le vécu et l’expérience concrète des pairs. »
Pour obtenir de plus amples renseignements, on peut contacter Corey Ranger par courriel à : cranger@bccampus.ca.
Laura Eggertson est journaliste indépendante à Wolfville (N.-É.).
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