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Améliorer les soins aux patients atteints du diabète dans les hôpitaux de l’Alberta — Première partie

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2020/04/20/improving-the-care-of-patients-with-diabetes-in-al
Avr 20, 2020, Par: Glenda Moore, Leta Philp, Rhonda Roedler, Dr. Julie McKeen, Dr. Karmon Helmle
someone with diabetes checking their blood sugar level with a device
iStock.com/martin-dm

Messages à retenir :

  • Traiter le diabète en milieu hospitalier est une tâche complexe qui nécessite une collaboration multidisciplinaire et la participation des patients aux décisions et à la planification des soins.
  • Lorsqu’on modifie les pratiques, il faut prévoir une stratégie de mise en œuvre ou de transfert des connaissances qui tient compte des obstacles et appuis spécifiques pour chaque unité ou établissement.
  • Les données (y compris celles fournies par les vérifications et la rétroaction) sont un outil puissant pour cerner les lacunes dans les soins et démontrer l’incidence des modifications des pratiques.

Quel était le problème?

Dans les hôpitaux albertains, environ 20 % des patients adultes sont atteints du diabète de type 1 ou de type 2. Diabète Canada recommande une glycémie de 5 à 10 mmol/L pour la plupart des patients hospitalisés atteints du diabète. Or selon des analyses hors laboratoire effectuées en 2014, plus du tiers des tests de glycémie réalisés à l’hôpital en Alberta révélaient une glycémie supérieure à 10 mmol/L.

Une glycémie trop élevée, ou hyperglycémie, augmente le risque de complications pendant l’hospitalisation, y compris les risques d’infection postopératoire, de pneumonie, d’acidocétose diabétique et de retard de cicatrisation. Elle expose également le patient à des risques de complications à long terme. La même année (2014), une enquête à l’échelle de la province a montré que les patients atteints du diabète étaient moins satisfaits de leur séjour à l’hôpital que ceux qui n’étaient pas diabétiques.

L’une des causes d’hyperglycémie à l’hôpital est la prescription d’échelles d’insuline à injection sous-cutanée, une pratique répandue. Les échelles d’insuline ne préviennent pas l’hyperglycémie; elles traitent de façon réactive, après coup, la glycémie élevée du patient. Les autres facteurs qui contribuent à l’hyperglycémie incluent le manque de coordination dans l’administration des médicaments pour le diabète, entre autres les tests de glycémie et les heures de repas, et un surtraitement de l’hypoglycémie.

Comme leurs collègues d’autres hôpitaux du Canada et des États-Unis, les cliniciens des hôpitaux albertains ont toléré l’hyperglycémie, peut-être parce que ses méfaits pour le patient ne sont pas immédiatement manifestes ou parce que les autres maladies aiguës du patient passent en premier. Cette tolérance de l’hyperglycémie est une grande source de confusion pour les patients, car on leur apprend par ailleurs à maintenir leur glycémie à un certain niveau pour éviter les complications.

Qu’a fait l’Alberta?

En 2015, un réseau stratégique de cliniciens qui s’intéresse au diabète, à l’obésité et à la nutrition, le Diabetes, Obesity and Nutrition Strategic Clinical Network (DON SCNmd), a lancé l’Inpatient Diabetes Management Initiative (Figure 1 [PDF, 137,6 Ko]), un programme de gestion du diabète pour patients hospitalisés élaboré en collaboration avec eux, ainsi qu’avec la pharmacie provinciale, le programme provincial Nutrition and Food Services, le service provincial d’analyses hors laboratoire et des fournisseurs de soins de santé de multiples disciplines et de différents endroits. L’initiative provinciale comportait plusieurs volets visant l’amélioration de la qualité dans le but de normaliser le traitement du diabète en milieu hospitalier et d’améliorer le contrôle glycémique chez les patients hospitalisés atteints du diabète.

Insulinothérapie basale-bolus

Au départ, la priorité était de mettre en œuvre l’insulinothérapie basale-bolus, un modèle de prescription d’injections d’insuline sous-cutanées qui imite la sécrétion physiologique d’insuline. Le but était de parvenir en toute sécurité aux niveaux de glycémie ciblés. Ce modèle est proactif et adapté aux besoins de chaque patient. Pendant plus de 16 ans, Diabète Canada a recommandé l’insulinothérapie basale-bolus comme modèle de prescription privilégié d’insuline sous-cutanée en milieu hospitalier.

La stratégie provinciale de mise en œuvre de l’insulinothérapie basale-bolus était fondée sur les enseignements tirés d’une tentative antérieure de mise en œuvre à Calgary en 2012 et de l’expérience d’autres hôpitaux, provinces et territoires à travers le Canada. En 2012, une stagiaire en endocrinologie s’intéressant à l’amélioration des soins pour les patients hospitalisés atteints du diabète a tenté pendant son stage, dans ses projets de recherche pour sa bourse, puis pour sa thèse de maîtrise de mettre l’insulinothérapie basale-bolus en œuvre dans les hôpitaux de Calgary en créant une ordonnance électronique pour l’insulinothérapie basale-bolus et en offrant plusieurs séances de formation. Cette modification de la pratique a été adoptée, puis discontinuée.

Le saviez-vous?

  • 1 sur 5 des patients hospitalisés sont atteints du diabète
    • 90 % de ces patients sont atteints du diabète de Type 2
    • 10 % e ces patients sont atteints de diabète de Type 1
  • 40 % des patients atteints du diabète qui sont hospitalisés utilisent l’insuline pour la prise en charge de leur diabète à domicile
  • L’insulinothérapie à l’hôpital pourrait être bénéfique même pour les patients qui ne prennent pas d’insuline chez eux

Des groupes de consultation organisés après la mise en œuvre ont relevé plusieurs obstacles à la modification de la pratique. Dans un de ces groupes, une infirmière qui avait appris comment procéder pour l’insulinothérapie basale-bolus a raconté qu’elle avait demandé au médecin traitant de prescrire ce traitement à un patient et que sa demande n’a pas été bien accueillie parce que le médecin pensait pouvoir utiliser une échelle d’insuline à injection sous-cutanée.

En 2014, une analyse de la conjoncture nationale a été réalisée pour tirer des enseignements de l’expérience d’autres hôpitaux canadiens qui avaient mis en œuvre l’insulinothérapie basale-bolus. Découverte intéressante, les obstacles rapportés par les autres hôpitaux étaient très similaires à ceux identifiés à Calgary.

La stratégie provinciale de mise en œuvre a été élaborée avec les conseils d’experts en mise en application (ou transfert de connaissances), discipline qui s’intéresse à l’application des données probantes et de la recherche dans la pratique clinique quotidienne. La stratégie de mise en œuvre inclut une démarche par étapes avec des activités suggérées pour avant, pendant et après la mise en œuvre.

La stratégie comprend une évaluation de l’état de préparation et, pour chaque site, des champions dans chacune des trois disciplines – personnel infirmier, prescripteurs (infirmières et infirmiers praticiens inclus) et pharmaciens et pharmaciennes –, qui formeront leurs pairs et répondront aux inquiétudes au fur et à mesure. Ces champions sont eux-mêmes soutenus par d’autres champions au sein de l’administration locale. Par ailleurs, on a encouragé les équipes à évaluer les obstacles et les appuis à la modification de la pratique au niveau de chaque établissement, unité ou programme et à tenter de supprimer chacun des obstacles rencontrés.

On a en outre encouragé les établissements à retirer de la circulation les jeux d’ordonnances préexistants pour des échelles d’insuline sous-cutanée. La stratégie prévoit aussi des commentaires sur la vérification, avec des données pré- et post-mise en œuvre, communiqués à l’ensemble de l’équipe. Pour appuyer cette modification des pratiques, de nombreuses ressources ont été créées en collaboration par l’équipe de soins aux patients hospitalisés du réseau DON SCNmd et les établissements qui avaient adopté précocement le nouveau procédé, et elles ont été regroupées et offertes en ligne (voir Ressources additionnelles ci-dessous).

Avant et après la mise en œuvre dans les établissements qui avaient été des précurseurs, des obstacles et appuis communs ont été identifiés au moyen d’entrevues avec les divers champions multidisciplinaires de l’établissement. Ces obstacles ont ensuite été cartographiés en fonction de solutions spécifiques et versés à un nouveau site Web pour aider les établissements qui mettraient en œuvre ces pratiques.

Ces quatre dernières années, le réseau DON SCNmd a soutenu des équipes multidisciplinaires d’hôpitaux d’un peu partout en Alberta qui entreprennent la modification de leurs pratiques cliniques, et la majorité de ces hôpitaux ont maintenant mis en œuvre l’insulinothérapie basale-bolus et cessé de prescrire des échelles d’insuline à injection sous-cutanée. Les données sur les résultats des établissements où la mise en œuvre est complétée ont été très positives.

Les résultats comprennent une augmentation significative de la prescription d’insulinothérapies basales-basiques, leur nombre étant 2,4 fois plus élevé comparé au niveau de départ, des réductions significatives des hyperglycémies (sans augmentation des hypoglycémies) et une réduction significative de la durée des hospitalisations. Les experts en mise en application estiment qu’une modification des pratiques est pleinement mise en œuvre et durable si elle se maintient pendant au moins 18 mois. Or tous les établissements qui ont précocement adopté ce changement l’ont maintenu. En fait, selon un récent rassemblement de données, l’un des groupes d’adopteurs précoces qui a mis en œuvre l’insulinothérapie basale-bolus il y a trois ans a maintenu la modification.

Politique et procédures de contrôle glycémique pour le contrôle de l’hypo- et de l’hyperglycémie

Un autre aspect de l’initiative provinciale est la création de documents de gouvernance. Auparavant, la plupart des hôpitaux en Alberta disposaient d’un document pour orienter le contrôle de l’hypoglycémie, mais les procédures variaient beaucoup et il n’existait aucun processus formel pour orienter le contrôle de l’hyperglycémie (avant que le patient ne fasse une acidocétose diabétique).

Diabète de type 1 (DT1)

  • Le plus souvent de nature auto-immune; le pancréas produit très peu d’insuline, voire pas du tout
  • Ces patients ont toujours besoin d’insuline
  • À risque d’acidocétose diabétique
  • À fort risque d’hypoglycémie

Diabète de type 2 (DT2)

  • Combinaison de résistance à l’insuline et d’insuffisance insulinique
  • Le pancréas produit une certaine quantité d’insuline mais les cellules du corps ne réagissent pas correctement à cette insuline (insulininorésistance)

En 2016, une équipe multidisciplinaire provinciale dirigée par le réseau DON SCNmd et comportant du personnel infirmier dans différents rôles a élaboré une politique provinciale pour le contrôle glycémique chez l’adulte ainsi que des procédures pour le contrôle de l’hyper- et de l’hypoglycémie. Ces procédures sont centrées principalement sur l’identification précoce et le traitement. Les associations professionnelles infirmières ont en outre été consultées et ont participé à la préparation des documents de gouvernance.

En parallèle, le réseau DON SCNmd a collaboré avec les services provinciaux d’analyses hors laboratoire pour que dans les hôpitaux de l’Alberta, les alertes sur tous les glucomètres soient changées pour refléter les nouvelles procédures. Des alertes signalent maintenant toute glycémie en deçà de 4,0 mmol/L ou dépassant 18,0 mmol/L chez les patients, plutôt que de se déclencher aux seuils critiques précédents, soit en deçà de 2,5 mmol/L ou au-dessus de 25,1 mmol/L. La politique et les procédures sont en vigueur depuis septembre 2017 et on y a apporté des révisions mineures en 2018. Elles ont été déterminantes pour la normalisation du traitement du diabète en milieu hospitalier, en particulier l’identification de l’insulinothérapie basale-bolus comme la façon la plus efficace de prescrire une insulinothérapie sous-cutanée.

Lignes directrices pour une gestion sûre du traitement par pompe à insuline à l’hôpital

L’élaboration de lignes directrices pour la gestion sûre du traitement par pompe à insuline à l’hôpital faisait aussi partie de ce projet à plusieurs volets. Beaucoup de patients atteints du diabète de type 1 utilisent ce type de traitement. Comme on utilise exclusivement de l’insuline à action rapide dans les pompes à insuline, quand on les déconnecte ou les arrête, les patients ont besoin de recevoir de l’insuline dans les deux heures qui suivent pour prévenir l’hyperglycémie, l’acidocétose diabétique ou les deux. Les lignes directrices visent principalement à soutenir les patients pour qu’ils continuent leur traitement par pompe à insuline à l’hôpital lorsqu’il est sûr et approprié de le faire et à assurer leur sécurité au cas où leur pompe serait arrêtée pour une raison quelconque.

Après la publication des lignes directrices, un site Web a été créé en collaboration avec les patients pour les aider ainsi que les cliniciens à gérer le traitement par pompe à insuline. Les lignes directrices et le site Web ont donné aux patients les moyens de défendre leurs intérêts et de se préparer en vue de tests diagnostiques ou d’une hospitalisation planifiée.

Autres aspects

L’initiative incluait également :

  • un protocole en cas d’acidocétose diabétique pour les salles d’urgence et les patients hospitalisés;
  • l’indication, pour les patients, de la teneur en glucides des plats servis par Alberta Health Services;
  • la personnalisation des ordonnances pour l’insuline (médicament à haut risque);
  • un formulaire d’ordonnance d’insuline simplifié;
  • l’élaboration de lignes directrices pour la prise en charge du diabète en période périopératoire et pendant la grossesse (des ensembles de modèles d’ordonnance gratuits sont en préparation).

L’initiative a par ailleurs conduit à l’élaboration d’une politique en matière de contrôle glycémique chez les patients pédiatriques, avec des marches à suivre (qui refléteront les documents de gouvernance pour les adultes).

Des infirmières et infirmiers, dans de nombreuses fonctions, ont contribué à tous les aspects de ce projet de contrôle de la qualité portant sur la prise en charge améliorée du diabète des patients hospitalisés. Des infirmières et infirmiers cliniciens enseignants de la province ont adopté le changement et aidé le réseau DON SCNmd dans l’élaboration de matériel éducatif en sciences infirmières. Ils ont aussi joué un rôle capital dans la mise en œuvre de l’insulinothérapie basale-bolus en formant d’autres infirmières et infirmiers à ce sujet ainsi que sur la politique et les méthodes de contrôle glycémique, les alertes sur les glucomètres et les autres aspects de cette initiative d’amélioration de la qualité. Les infirmières et infirmiers chefs ont approuvé les changements et les soutiennent.

L’initiative albertaine visant les patients hospitalisés atteints de diabète, la Provincial Diabetes Inpatient Initiative (Figure 2 [PDF, 87,9 Ko]), n’aurait pas été possible sans la participation du personnel infirmier à travers la province et sans une démarche multidisciplinaire. Le personnel infirmier en soins actifs a maintenant ce dont il a besoin pour atteindre les objectifs recommandés pour la glycémie pendant les hospitalisations.

Pour plus de renseignements sur cette initiative, vous pouvez contacter le réseau DON SCNmd à : don.scn@ahs.ca.

Ressources additionnelles (en anglais)

Alberta Health Services Inpatient Diabetes Management

Alberta Health Services Insulin Pump In-Hospital Therapy

Basal Bolus Insulin Therapy

Basal Bolus Insulin Therapy Implementation Tool Kit


Glenda Moore, inf. aut., B. Sc. inf. est consultante principale, AHS Diabetes, Obesity and Nutrition Strategic Clinical Network™ et a été chef de projet, Provincial Diabetes Inpatient Initiative.
Leta Philp, inf. aut., B. Sc. inf., CDE, est directrice de la Pratique clinique, Provincial Diabetes Inpatient Initiative, AHS Diabetes, Obesity and Nutrition Strategic Clinical Network™.
Rhonda Roedler, B. Sc. Pharm., Pharm. D., CDE, est directrice de la Pratique clinique, AHS Provincial Pharmacy. Elle siège également au comité central du Diabetes, Obesity and Nutrition Strategic Clinical Network™ et elle est représentante pharmacienne, Provincial Diabetes Inpatient Initiative.
Julie McKeen, médecin, FRCPC, endocrinologie et métabolisme, est professeure adjointe d’enseignement clinique, Université de Calgary, et directrice médicale, Calgary Zone Diabetes Centre. Elle siège également au comité central du Diabetes, Obesity and Nutrition Strategic Clinical Network™ et est médecin responsable, Provincial Diabetes Inpatient Initiative.
Karmon Helmle, médecin, M. Sc., FRCPC, endocrinologie et métabolisme, est professeure adjointe d’enseignement clinique, Université de Calgary. Elle est représentante médecin, Diabetes Obesity & Nutrition Strategic Clinical Network™, Provincial Diabetes Inpatient Initiative.

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