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oct. 07, 2019, Par: Elizabeth Logan, Katherine Popovski
Messages à retenir :
- Les infirmières et infirmiers praticiens (IP) ont besoin d’un soutien pédagogique en complément des exigences réglementaires pour la prescription sûre et efficace de certaines drogues et autres substances (DAS).
- Les IP spécialisés dans le traitement de la douleur sont bien placés pour intervenir en tant que leaders et mentors pour le développement des connaissances.
- Les ressources pédagogiques pour la prescription sûre et efficace de DAS devraient être diversifiées.
En avril 2017, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario et l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario (OIIO) ont élargi le champ de pratique des infirmières et infirmiers praticiens (IP) pour inclure la prescription de drogues et autres substances (DAS). Le droit de prescrire est un élément essentiel contribuant à l’autonomie professionnelle et à la qualité des soins aux patients.
L’Hôpital St. Michael’s d’Unity Health Toronto est un centre de traumatologie pour adultes et une plaque tournante pour des spécialités de haut niveau comme la neurochirurgie et les soins cardiovasculaires. Les 50 IP qui sont à l’Hôpital St. Michael’s ont suivi la formation exigée par l’OIIO et pouvaient exercer sans aucune restriction. Le programme d’autoformation était un cours en ligne accrédité d’une durée de 6 à 20 heures portant principalement sur les soins primaires.
Bien qu’ils aient satisfait aux exigences de formation à la pratique, beaucoup d’IP disaient manquer d’assurance pour prescrire des DAS, en particulier dans le contexte de la surveillance accrue de l’utilisation d’opioïdes. Cette hésitation n’est pas rare dans les autres provinces et territoires où les DAS sont un nouvel élément de la pratique des IP (Kaplan, Brown et Donahue, 2010). Les IP de l’Hôpital St. Michael’s avaient également le sentiment que cette formation obligatoire les préparait mal pour la prescription. Ils ont donc demandé des conseils et ressources complémentaires pour prescrire les DAS de façon sûre et efficace.
Points saillants
En tant qu’IP possédant des connaissances spécialisées dans le traitement de la douleur, nous étions bien placées pour diriger une démarche éducative destinée aux IP et visant la prescription sûre et efficace de DAS. Nous souhaitons, en faisant connaître cette démarche, donner des conseils pour soutenir les IP afin qu’ils puissent prescrire les DAS avec compétence et assurance.
Notre intervention d’une durée d’un an a commencé en mars 2017, un mois avant que les modifications de la loi n’entrent en vigueur. Nous avons mené un sondage en ligne auprès de 50 IP travaillant dans divers milieux, dont les soins primaires, cardiovasculaires et neurochirurgicaux, ainsi que dans des cliniques de consultation externe, pour mieux cerner leurs besoins en matière d’apprentissage.
Les questions du sondage portaient sur trois grands thèmes : à quoi ressemblerait la prescription de DAS dans la pratique clinique des IP; quel type de DAS pouvaient être prescrits; quel serait le niveau de confiance des IP lorsqu’il était question de ces médicaments. Nous avons aussi ajouté des questions sur l’aise avec laquelle les IP pouvaient effectuer une évaluation complète de la douleur et utiliser l’analgésie multimodale.
Résultats du sondage
Le sondage a montré que les IP prescriraient le plus souvent des DAS pour la douleur aiguë, la douleur chronique et l’anxiolyse (voir la Figure 1). Comme on le voit dans les Figures 2 et 3, la majorité des IP ne se sentaient pas aptes à faire des évaluations complètes de la douleur ou à utiliser des stratégies multimodales, entre autres prescrire des opioïdes pour le traitement de la douleur.
Figure 1
Données du sondage : Habitudes de prescription des IP
Figure 2
Résultats du sondage : La majorité des IP ne se sentent pas aptes à prescrire des traitements multimodaux
Figure 3
Résultats du sondage : Aide des IP par rapport à l’évaluation et au traitement de la douleur
Mise en œuvre
La formule éducative était multidimensionnelle et proposait diverses stratégies, entre autres l’étude des lignes directrices disponibles, des présentations didactiques et des études de cas, un accompagnement individuel et du mentorat, une banque de ressources et des instructions pour le congé des patients qui quittent l’hôpital avec une ordonnance pour des opioïdes (voir Figure 4).
Figure 4
Ressources éducatives préférées
Nous avons organisé sept séances de formation présentées par des experts en la matière. Conformément aux pratiques exemplaires en matière d’enseignement, nous avons utilisé une formule d’apprentissage par problèmes. Cependant certaines connaissances de base devaient souvent être communiquées au moyen d’une formule didactique.
La matière a été choisie en fonction des besoins identifiés à l’aide du sondage. Par exemple, la majorité des participants manquant d’assurance pour prescrire des cannabinoïdes, une séance de formation a été organisée avec un médecin spécialisé dans le traitement de la douleur chronique et connaissant les cannabinoïdes. Comme seulement 11 % des IP étaient à l’aise avec le traitement de la douleur aiguë sur chronique, une séance de formation sur la question est prévue au cours des prochains mois. Le programme pour les séances de formation d’une heure était le suivant :
- Le traitement de la douleur aiguë et la prescription sans danger d’opioïdes, avec un passage en revue des lignes directrices (américaines et canadiennes), l’évaluation complète de la douleur, le titrage et la rotation des opioïdes, le traitement multimodal et l’évaluation des risques associés aux opioïdes; 2 séances
- Les DAS dans le traitement des dépendances – examen du maintien à la suboxone et à la méthadone et traitement de la douleur chez les patients ayant une tolérance aux opioïdes; 2 séances
- Les benzodiazépines – psychiatre
- Les cannabinoïdes – anesthésiste spécialisé dans la douleur chronique
- Les DAS en soins palliatifs – IP en soins palliatifs
Au-delà des séances de formation, notre sondage sur les besoins montrait que, pour gagner en confiance lorsqu’ils prescrivent, les IP préféraient avoir l’occasion d’examiner les cas avec un spécialiste. Les IP du service de traitement de la douleur aiguë donnent des consultations formelles et informelles visant entre autres la décision d’augmenter les opioïdes, la rotation des opioïdes et la gestion des effets secondaires liés aux opioïdes. Lorsque le droit de prescrire a été accordé aux IP, on a remarqué une augmentation des demandes de consultations visant à avoir des recommandations pour les ordonnances des patients qui quittent l’hôpital et les diverses formes d’analgésie multimodale.
Évaluation
Tous les IP ont été invités à participer à un sondage en ligne post-formation. Malheureusement, les évaluations des séances n’étaient pas liées aux IP qui y avaient assisté, ce qui aurait permis une évaluation plus solide du programme. Collectivement, dans leurs réponses, les IP nous ont dit avoir trouvé les séances utiles et d’un grand soutien pour renforcer leurs connaissances et leur confiance. À l’avenir, les évaluations post-formation seront liées aux IP qui ont assisté à des séances spécifiques.
Une dernière séance de formation est prévue sur la question de la douleur aiguë sur chronique. Les séances de formation seront offertes à nouveau, au besoin, en fonction des nouvelles données probantes sur la prescription de DAS, et en particulier d’opioïdes. Dans un esprit de la formation continue, notre démarche consistant à offrir une formation sur la douleur aiguë aux IP étudiants qui passent dans notre organisation a été bien accueillie.
Nous resterons disponibles pour des consultations, formelles ou informelles, pour soutenir les IP dans leur rôle relativement nouveau de prescripteurs. Par ailleurs, une formation et des ressources pédagogiques seront proposées aux équipes multidisciplinaires pour leur permettre de prescrire des DAS efficacement et sans danger.
Conclusions
L’obstacle législatif à la prescription de DAS par les IP a été supprimé, et ces derniers sont maintenant autorisés à exercer au maximum de leurs compétences. C’est l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario qui détermine la compétence pour la prescription de DAS, les IP devant suivre un programme collégial obligatoire approuvé par l’Ordre. Néanmoins, cette formation n’a pas donné aux IP de notre organisation l’assurance nécessaire pour prescrire des DAS efficacement et sans danger. On trouve dans la littérature des indications que la même hésitation existe dans d’autres milieux de pratique au Canada et aux États-Unis. Étant donné que jusque récemment, la formation des IP ne couvrait pas les DAS, ça se comprend. Par ailleurs, il est logique que des experts en traitement de la douleur aiguë, qui ont des compétences très spécialisées dans la gestion des opioïdes, dirigent ce type d’intervention éducative.
Cette démarche pédagogique est un exemple et un modèle pour d’autres organisations, pas seulement pour les IP, mais pour tous les prescripteurs de DAS, pour fournir aux patients pour qui des DAS sont indiquées, des soins sans danger et fondés sur des données probantes, en temps opportun et avec compétence, en particulier dans le contexte de la crise des opioïdes et de l’augmentation des troubles liés à l’usage d’opioïdes.
Références
Kaplan, L., Brown, M. A. et J. S. Donahue. Prescribing controlled substances: How NPs in Washington are making a difference, Nurse Practitioner, 35(5), 2010, p. 47-53.
Ressources additionnelles
Ambrose, M. A. et D. S. Tarlier. Nurse practitioners and controlled substances prescriptive authority: Improving access to care, Nursing Leadership, 26(1), 2013, p. 58-69.
Ordre des infirmières et des infirmiers de l’Ontario (OIIO). Q&As: Controlled substances education requirement, 2019.
Qualité des services de santé Ontario. Prescription d’opioïdes pour soulager la douleur aiguë : soins destinés aux personnes de 15 ans et plus, Normes de qualité, 2018.
Moghabghab, R., M. Hamilton-Jones, R. Jabbour, A. McNabb et E. Tilley. Nurse practitioner practice and controlled substances in Ontario: Current practice and future intent, Nursing Leadership, 29(3), 2016, p. 93-105.
Nurse Practitioner’s Association of Ontario.
Katherine Popovski, inf. aut. (CS), M. Sc. inf., est infirmière praticienne en traitement de la douleur aiguë à Unity Health Toronto. Elle est experte en traitement de la douleur chez les adultes et les enfants et se spécialise dans les cas de traumatismes complexes et de brûlures.
Elizabeth Logan, inf. aut. RN (CS), M. Sc. inf., est infirmière praticienne experte en traitement de la douleur aiguë. Elle a plus de dix ans d’expérience comme IP à Unity Health Toronto (Hôpital St. Michael’s), dans leur service de gestion de la douleur aiguë.
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