https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2019/07/29/cultural-sensitivity-a-personal-reflection
juil. 29, 2019, Par: Amy Olson
Enseignements retenus
- La véritable sensibilité culturelle, c’est prendre le temps de comprendre les conditions de vie d’autrui et les préoccupations qui s’y rattachent.
- L’expérience à l’étranger peut faire beaucoup évoluer notre vision du monde et notre appréciation des points de vue différents du nôtre.
- Il est important de demeurer humble et ouvert à la nouveauté. C’est surprenant tout ce qu’on peut apprendre ainsi.
Il y a trois ans, j’étais infirmière de triage dans un département d’urgence pédiatrique très occupé au Canada. Je me souviens clairement du jour où un homme et sa femme ont apporté leur petit garçon de 10 mois pour le faire vacciner contre la rage. Immigrants pakistanais, ils n’étaient au Canada que depuis quelques mois.
Leur fils était souriant et sociable. J’ai posé la question que je posais habituellement en commençant : « Qu’est-ce qui vous amène aux urgences aujourd’hui? » Le père m’a répondu que son fils avait besoin d’un vaccin contre la rage. Alors qu’ils se promenaient dans un parc du quartier, un chien a couru vers leur fils et lui a léché les mains et le visage.
J’étais étonnée. Le chien n’avait pas mordu? Non. Il l’avait juste léché? Oui. « Dans ce cas, Monsieur, votre fils n’a pas besoin d’un vaccin contre la rage. »
C’est alors que l’homme m’a raconté qu’il était médecin de famille au Pakistan, et que dans son pays, quand on est léché par un chien inconnu, on a besoin d’une série de vaccins contre la rage. J’étais intriguée.
« Monsieur, vous êtes au Canada, maintenant; ce chien avait très probablement reçu tous ses vaccins et il se promenait avec son maître. Avez-vous trouvé son maître et lui avez-vous parlé? » Non, il ne l’avait pas fait.
Comme l’homme insistait, je suis allée chercher l’infirmière responsable. La pédiatre du service, m’entendant raconter ce qui se passait, m’a dit « Cet enfant n’a pas besoin de vaccin ». Je leur ai dit à toutes les deux que la famille ne voudrait pas repartir. Ma supérieure m’a demandé de procéder à leur triage. Elle irait les rassurer : un vaccin n’était pas nécessaire.
Les réalités de la vie dans un autre pays
Nous sommes maintenant un an et demi plus tard. Ce matin, en voiture, j’ai regardé un chien errant passer en courant devant le portail de l’école de mes enfants au Rwanda. J’ai ralenti, puis j’ai arrêté ma voiture un instant pour voir où allait le chien. J’ai vu le garde de sécurité de l’école le chasser. Rassurée de voir qu’il ne rentrerait pas dans l’école et ne s’approcherait pas des enfants, je suis repartie.
Je vis à présent au Rwanda, un pays où la rage est endémique. Notre famille de cinq personnes avait la possibilité de recevoir un vaccin antirabique avant exposition à une clinique de santé-voyage avant de partir vivre à l’étranger. Ce vaccin aurait été au-dessus de nos moyens financiers, et des amis vivant au Rwanda nous ayant assuré que le vaccin coûtait une fraction du prix sur place, nous avons décidé de prendre le risque. Nous sommes arrivés au Rwanda, prêts à faire le nécessaire si l’un de nous était exposé à un animal. Nous avons donné à nos enfants les informations de base : ne vous approchez pas des chiens du quartier, ne caressez pas des animaux que vous ne connaissez pas et, surtout surtout, dites-le-nous si vous vous faites mordre ou griffer par un animal.
Quelques mois après notre arrivée au Rwanda nous sommes allés au Parc national de l’Akagera pour notre premier safari. Le premier jour, dans le stationnement de l’hôtel, alors que mon mari mettait la glacière dans la voiture avec notre fils de sept ans, un babouin s’est approché. Pour paraître plus grand, mon mari a soulevé la glacière au-dessus de sa tête tout en criant pour éloigner l’animal. Mais juste avant de s’enfuir, le babouin a donné un coup de patte à mon fils, à l’arrière de la jambe. Avait-il été griffé? Nous ne le pensions pas. Peut-être que oui? Sa jambe portait certaines marques survenues lors de jeux à l’extérieur, mais le babouin avait-il fait d’autres marques? La peau avait-elle été transpercée?
Plus tard, j’ai cherché de l’information sur le site Web de l’Organisation mondiale de la santé. Comme infirmière en soins pédiatriques, j’avais les connaissances de base. Mais, puisque la rage ne faisait pas partie de mon quotidien au Canada, mes connaissances n’allaient pas très loin. Quand j’ai commencé à lire le protocole de l’OMS en cas d’exposition à la rage, j’ai aussitôt pensé à ce médecin et père pakistanais qui s’était présenté au triage quand j’y étais l’année précédente. J’ai compris que, si son fils avait été dans un pays où la rage est endémique, il aurait bel et bien eu besoin d’être vacciné contre la rage à la suite de son exposition.
Pour mon fils, après mes lectures, mes recherches, nos discussions et de multiples observations de sa jambe, nous avons décidé de lui faire administrer les cinq doses nécessaires pour le vaccin antirabique. La rage étant non traitable et mortelle à 100 %, nous ne voulions pas prendre de risque. Neuf mois plus tard, ma fille s’est fait mordre par un chat non vacciné, et en plus du vaccin contre la rage, elle a eu besoin d’une injection d’immunoglobuline.
Nouvelle vision du monde
Rien de tel que l’expérience pour apprendre. Avant de venir vivre au Rwanda, je me pensais sensible aux différences culturelles. Cependant, mes réactions reposaient exclusivement sur ma vie et mon travail en Amérique du Nord. Le fait de vivre en Afrique de l’Est a fait évoluer ma vision du monde. Quand je reviendrai au Canada dans quelques mois, ce sera avec une perspective nouvelle sur la profession infirmière et la santé, grâce à ce que j’ai vécu au Rwanda.
Nous n’avons pas tous l’occasion d’aller vivre et travailler à l’étranger, mais nous pouvons faire de notre mieux pour nous informer sur les autres conceptions du monde, les autres cultures et les autres points de vue. En tant qu’infirmières et infirmiers travaillant au Canada, avec des immigrants et des étrangers de tant de pays, nous avons l’obligation d’essayer de voir les choses du point de vue de nos patients. Quand j’y repense, je vois bien que je n’étais pas sensible à la culture de ce père pakistanais au Canada, il y a quelques années.
Si je pouvais revenir en arrière et changer ma réaction, j’aurais plus d’empathie. Je prendrais le temps de l’informer, de parler avec lui et de le rassurer. Je ne dois jamais oublier l’importance d’apprendre et de rester humble. L’autre jour, ma fille m’a demandé « Si tu pouvais donner un conseil à tous les gens du monde, ce serait quoi? » Ma réponse a été « Ne cessez jamais d’apprendre. »
Ressources additionnelles (en anglais seulement)
WHO Guide for Rabies Pre and Post Exposure Prophylaxis in Humans
Rabies: The Facts
Frequently asked questions about rabies for Clinicians
Amy Olsen est infirmière autorisée en soins pédiatriques. Elle a passé les trois dernières années à Kigali, au Rwanda, où elle vit et forme du personnel infirmier. Dans le cadre de ses études de M.Sc.inf. à l’Université Western (Ontario), elle étudie l’efficacité du cours de soins infirmiers pédiatriques qu’elle a aidé à concevoir au Rwanda. En juillet 2019, elle reviendra s’installer à Langley (C.-B.) avec son mari et leurs trois enfants.
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