May 01, 2018, Par Martha Paynter, MED, M. Sc., inf. aut. , Allison MacFadden, B. Sc. inf., inf. aut. , Krista Shanks, B. Sc. inf., inf. aut.
Des étudiantes en sciences infirmières de l’Université Dalhousie lancent un projet sur le campus pour promouvoir la santé sexuelle des étudiants par le biais de l’éducation et du dépistage des ITS.
Les taux d’ITS répertoriés dans le Système canadien de surveillance des maladies à déclaration obligatoire (SCSMDO) ont augmenté ces vingt dernières années (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2013). Si ce sont surtout les jeunes, en tant que groupe, qui sont touchés par les ITS, les jeunes femmes sont particulièrement à risque. En 2010, les femmes de 20 à 24 ans avaient le taux le plus élevé d’infection à chlamydia, soit 2 005,5 pour 100 000 personnes (ASPC, 2013), ce qui est sept fois plus que la moyenne nationale. La même année, c’est aussi chez les femmes de 15 à 19 ans que l’on trouvait le plus fort taux de gonorrhée – 147 par 100 000 personnes, soit quatre fois la moyenne nationale.
Selon les résultats d’un sondage auprès d’étudiants de huit établissements d’enseignement post secondaire des provinces atlantiques, seulement 33,9 % des répondants avaient subi un test de dépistage des ITS (Cragg, Steenbeek, Asbridge, Andreou, et Langille, 2016). Par ailleurs, 49 % des étudiants disant avoir des comportements sexuels à haut risque rapportaient ne pas avoir fait de dépistage pour les ITS.
À l’Université Dalhousie, les près de 20 000 étudiants peuvent à tout moment demander un dépistage des ITS en prenant rendez-vous au centre des services de santé de l’université. Pendant l’année universitaire 2016-2017, alors que nous étions en dernière année de baccalauréat en sciences infirmières, nous avons conçu une clinique mobile de dépistage des ITS pour augmenter l’utilisation des services de dépistage par les étudiants. Ce projet faisait partie de notre stage clinique en santé communautaire.
Notre but était d’offrir des services confidentiels gratuits avec la possibilité de faire les tests soi même, pour que ce soit le plus facile et accessible possible pour les étudiants. Nous espérions que cette approche augmenterait la sensibilisation aux ITS et le recours au dépistage, inciterait les étudiants à prendre en main leur santé sexuelle, contribuerait à l’éducation et à la formation sur la diversité et la santé sexuelle et créerait des occasions de renforcer la pratique en santé communautaire pour notre cohorte.
Mise en œuvre du projet
Notre préceptrice était l’infirmière-chef du Dalhousie Student Health and Wellness Centre. Elle nous a encouragées dans notre projet, a obtenu le financement qui nous a permis d’acheter de la documentation promotionnelle et nous a aidées à négocier avec l’administration, le corps enseignant et le personnel.
Dalhousie compte trois campus principaux et les installations de l’université sont étalées sur plus de 3,5 kilomètres. Une clinique mobile semblait la meilleure façon d’aller vers les étudiants. Tous les mercredis, pendant 14 semaines, nous avons offert une clinique temporaire à divers endroits des campus. Une douzaine de nos pairs y ont travaillé. Nous nous installions toujours dans un lieu public, avec une table, quelques ordinateurs pour inscrire les participants, une autre table avec des articles gratuits et des dépliants, des affiches promotionnelles et une équipe de six personnes maximum.
Pendant ces cliniques, nous avons proposé des dépistages de la gonorrhée et de la chlamydia par frottis buccal et nous avons aussi distribué des trousses pour faire soi-même un frottis buccal ou prélever un échantillon d’urine pour ceux qui souhaitaient faire eux-mêmes le dépistage. Il a été démontré que la possibilité de prélever soi-même les échantillons fait augmenter la participation, en particulier chez les jeunes femmes (Fielder, Carey, et Carey, 2013). Seules les personnes ayant obtenu un résultat positif étaient contactées par un membre du personnel infirmier du centre qui les invitait à prendre rendez-vous pour des soins de suivi.
Nous avons expliqué oralement aux clients comment faire eux-mêmes le dépistage et leur avons recommandé de consulter les instructions illustrées que nous avions affichées dans les toilettes les plus proches. La possibilité de faire le prélèvement eux-mêmes encourageait les étudiants à participer et à s’approprier la démarche. Comme nous l’avions prévu, les clients ont préféré cette approche. Nous avons aussi mis des formulaires de demande d’analyses de sang pour le dépistage du VIH, de l’hépatite C et de la syphilis à la disposition des clients qui pouvaient les apporter à un laboratoire d’analyses avoisinant.
Le centre nous a fourni le matériel et l’équipement, dont deux ordinateurs portables, de quoi faire les étiquettes, une grande nappe aux couleurs de l’université, une glacière pour entreposer les échantillons, des contenants pour collecter les échantillons d’urine et des écouvillons/coton-tiges pour prélever des échantillons de sécrétion, des préservatifs, du lubrifiant et des digues dentaires, des dépliants sur la santé sexuelle et des formulaires en format papier. Nous transportions tout dans de grands bacs jusqu’aux différents sites des cliniques mobiles, souvent en les portant, mais utilisions des tables et des chaises qui se trouvaient déjà dans le bâtiment où était organisée la clinique cette semaine-là.
Pour faire savoir que ce nouveau service était offert, il a fallu être créatives. Comme la clinique était mobile, il y a parfois eu un peu de confusion quant à son emplacement exact d’une semaine à l’autre. Nous n’avions pas le droit d’avoir une présence dans les médias sociaux indépendamment du bureau central des communications de l’université, ce qui se comprend. Comme il était essentiel d’avoir une adresse URL, nous avons annoncé les dates et les emplacements sur une page Web gérée par l’université, mais certaines mises à jour n’ont pas pu être communiquées dans les meilleurs délais.
Les espaces que notre préceptrice a pu réserver pour nous n’étaient pas toujours dans des endroits où il y avait beaucoup de passage. Pour surmonter cette difficulté, nous avons préparé des bannières, des badges et des panneaux en papier que nous avons distribués sur les trois campus. Avec la technique de l’animation sur tableau blanc, nous avons créé une courte vidéo sur YouTube et avons obtenu l’autorisation de la présenter dans les cours de premier cycle comptant beaucoup d’étudiants.
Les défis logistiques auxquels nous nous sommes heurtées comprennent la résolution des questions de couverture par l’assurance-maladie pour les étudiants étrangers ou d’autres provinces, quelques difficultés avec les ordinateurs portables et l’équipement pour l’étiquetage, l’apprentissage de la réglementation de l’université en matière de promotion (par exemple, le fait qu’il n’était pas permis d’utiliser de la craie sur les trottoirs dans ce but) et le transport de l’équipement et des fournitures aux quatre coins du campus.
Il était important pour nous que la clinique soit conçue de manière à remettre en question les pratiques hétéronormatives afin d’augmenter la participation des communautés LGBTQ+. Notre but était de promouvoir le respect des étudiants transgenres et non binaires. Nous avons parlé de « personnes avec un vagin » et « personnes avec un pénis » dans nos explications sur la façon de procéder à un frottis vaginal et à la collecte d’un échantillon d’urine. Le formulaire remis aux clients à leur arrivée contenait des questions sur l’auto-identification en termes de genre et les préférences en matière de pronoms. Quand on nous a interrogées sur la raison de ces questions, nous avons profité de l’occasion pour éduquer les clients sur un langage qui inclut les transgenres et sur l’importance d’utiliser le bon langage dans les conversations thérapeutiques.
Résultats et enseignements tirés
Au total, 487 étudiantes et étudiants ont fait un dépistage; 36 (7,4 %) ont été informés d’un résultat positif.
Au fur et à mesure que d’autres besoins des clients sont apparus, nous les avons incorporés au projet. Ainsi, nous avons découvert l’absence de toilettes non genrées et clairement indiquées, pour rendre l’auto-dépistage plus confortable pour les personnes transgenres et non binaires. Nous sommes parties à pied mettre à jour l’inventaire des toilettes non genrées dans toute l’université et avons poussé pour l’amélioration de leur accessibilité et de leur signalisation.
Nous avons compris, grâce à cette expérience, que pour éduquer et informer les étudiants sur les questions de santé sexuelle, il faut aussi inclure des conseils sur l’importance du consentement. Nous avons organisé plusieurs ateliers à ce sujet, intitulés « Only Yes Means Yes », à l’intention des étudiants en sciences infirmières pour mieux les préparer pour éduquer leurs clients quant à leurs droits et responsabilités dans ce domaine. Les ateliers étaient animés par le Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes, une organisation sans but lucratif nationale.
Tous les étudiants des programmes de soins de santé à Dalhousie doivent suivre des modules de Formation interprofessionnelle (FI) dans le domaine de la santé pendant leurs études. Nous avons conçu et présenté un atelier novateur de FI sur le thème de la santé sexuelle, la diversité et l’équité. Cela a renforcé nos compétences en matière d’enseignement et de collaboration avec les autres professions de la santé. Notre approche participative était axée sur la participation des étudiants et la discussion ainsi que le renforcement de la capacité pour le dépistage des ITS et la promotion de la santé sexuelle. Les étudiants ont été 46 à s’inscrire à l’atelier et ils représentaient sept programmes. Les conversations ont porté sur les risques d’ITS, les obstacles au dépistage et au traitement, les types de protection, nos rôles professionnels dans la promotion de la santé sexuelle, les besoins des diverses populations et comment soutenir ces dernières.
En confiant à des étudiantes et étudiants en sciences infirmières la création et l’organisation de cliniques de santé, on les prépare à prendre l’initiative pour la promotion de la santé dans leur communauté et à acquérir des compétences pratiques pour prodiguer des soins avec compassion et dans un souci d’inclusion. Nous avons été très fières de notre approche et sommes convaincues que le personnel infirmier a un rôle à jouer dans la défense des droits en matière de santé.
Pour les étudiants qui souhaitent entreprendre des projets comme le nôtre, notre recommandation serait de toujours avoir sous la main le numéro de téléphone du soutien technique, de bien connaître les règles avant de faire la promotion de leur projet, de préparer leur documentation promotionnelle à l’avance et d’acheter un diable, à moins de se faire à l’idée de prendre un taxi de temps à autre. Avoir l’appui d’un mentor dévoué est un avantage précieux pour l’équipe de projet.
Nous sommes satisfaites de l’impact que la clinique a eu sur la santé sexuelle des étudiants et du soutien que nous avons reçu des enseignants, du personnel, des administrateurs et des étudiants de l’Université Dalhousie. Le projet nous a en outre permis de perfectionner notre pratique de l’offre de soins responsabilisants et inclusifs pour promouvoir la santé sexuelle.
Nous avons présenté notre expérience à la conférence nationale sur la pratique clinique, l’éducation et la recherche de 2017 de l’Association canadienne des infirmières et infirmiers en périnatalité et en santé des femmes. Les participants se sont montrés enthousiastes et nous ont suggéré d’écrire un article à ce sujet pour infirmière canadienne. Notre objectif, avec cet article, était d’encourager des étudiants d’autres établissements d’enseignement post-secondaires d’Amérique du Nord à envisager d’organiser des projets similaires.
Nous avons été ravies d’apprendre que la clinique continuerait pendant l’année universitaire 2017-2018 avec une nouvelle cohorte d’étudiantes et étudiants en sciences infirmières.
Remerciements
Les auteures remercient leurs pairs qui ont participé à ce projet, en particulier Lindsay Rhodes, inf. aut., illustratrice vidéo, et leur préceptrice, Christina Elgee Davis, pour son leadership et sa vision. Elle a reçu un prix de l’Association des étudiant(e)s infirmier(ère)s du Canada (Award for Preceptors and Mentors) pour le soutien qu’elle a apporté à notre cohorte de 2017.
Références
Agence de la santé publique du Canada. Rapport de l’administrateur en chef de la santé publique sur l’état de la santé publique au Canada, 2013 : Les maladies infectieuses — Une menace perpétuelle, 2013.
Cragg, A., Steenbeek, A., Asbridge, M., Andreou, P., & Langille, D. (2016). Sexually transmitted infection testing among heterosexual Maritime Canadian university students engaging in different levels of sexual risk taking. Canadian Journal of Public Health, 107(2), 2016, E149-154. doi:10.17269/cjph.107.5036
Fielder, R. L., Carey, K. B., & Carey, M. P. (2013). Acceptability of STI testing using self-collected vaginal swabs among college women. Journal of American College Health, 61(1), 2013, 46-53. doi:10.1080/07448481.2012.750610
Martha Paynter, MED, M. Sc., inf. aut., était l’une des étudiantes-infirmières au baccalauréat à la tête de ce projet. Elle est doctorante à l’école de sciences infirmières de l’Université Dalhousie et infirmière soignante à l’unité de soins aux nouveau-nés et leur famille au Centre de santé IWK à Halifax.
Allison MacFadden, B. Sc. inf., inf. aut., était l’une des étudiantes-infirmières au baccalauréat à la tête de ce projet. Elle est infirmière soignante à l’unité de soins intensifs néonataux au Centre de santé IWK à Halifax.
Krista Shanks, B. Sc. inf., inf. aut., était l’une des étudiantes-infirmières au baccalauréat à la tête de ce projet. Elle est infirmière soignante à l’unité de soins aux nouveau-nés et leur famille au Centre de santé IWK à Halifax et commencera sa maîtrise en sciences infirmières à l’Université Dalhousie cet automne.
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