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mars 05, 2017, Par: Laura Eggertson
Dans le cadre d’une vaste stratégie en matière de saine alimentation, Santé Canada révise en profondeur le Guide alimentaire canadien. Le Guide passait en effet pour avoir été trop influencé par l’industrie, et pas assez par des recherches rigoureuses.
« Le guide alimentaire actuel est à la fois une politique et un outil éducatif, et il faut le transformer pour qu’il réponde mieux aux besoins des différents publics », affirme Ann Ellis, gestionnaire des recommandations nutritionnelles à Santé Canada, qui dirige avec d’autres la révision.
L’arc-en-ciel des groupes alimentaires est bien connu de milliers d’enfants d’âge scolaire, des diététistes et des professionnels des soins de santé de tout le pays. Transformer cette figure emblématique du guide est une tâche délicate, que le gouvernement fédéral s’est engagé à mener à bien d’ici la fin de son premier mandat, en 2019. Avant tout, le guide doit aller de pair avec d’autres éléments de la stratégie en matière de saine alimentation (voir encadré).
La première étape a été d’examiner les données probantes dans les publications récentes sur la nutrition. Publié par Santé Canada en 2015, le résultat de cet examen a permis de conclure que la majorité des Canadiens ne mangent toujours pas assez de fruits et de légumes, de produits laitiers et de grains entiers. Par ailleurs, un tiers des calories qu’ils consomment proviennent d’aliments riches en gras, en sucre et en sel. Enfin, la plupart des gens ont des carences de divers nutriments essentiels, dont le calcium, le magnésium, le zinc, les vitamines C, A et D, le potassium et les fibres.
Une mauvaise alimentation contribue à l’obésité et à des maladies chroniques comme le diabète, un problème que l’on espère résoudre avec le nouveau guide et un document d’orientation qui l’accompagnera. Cependant, chaque changement qu’apportera Santé Canada risque de se heurter à des critiques de la part de spécialistes des maladies chroniques et de l’obésité, d’agences de commercialisation des produits agricoles, de consommateurs obnubilés par les régimes dernier cri faibles en glucide ou à base de super-aliments, ou encore d’universitaires qui évaluent tous ces intérêts.
Le guide actuel a ainsi été critiqué par Sylvain Charlebois, professeur en distribution et politique alimentaire à l’Université Dalhousie, parce qu’il contient des « recommandations centrées sur certains produits de base sans qu’elles reposent sur des fondements scientifiques solides », a-t-il écrit dans le Globe and Mail (6 décembre 2016). Le guide recommande deux portions ou plus de lait ou autres produits laitiers par jour. Or à son avis, cette recommandation servait les intérêts des Producteurs laitiers du Canada, la plus grande organisation de producteurs de lait.
Il cite d’autres sources de calcium, comme le tofu, les légumes verts à feuilles et autres aliments familiers pour la société multiculturelle du Canada.
« On sent bien que la manière dont le guide alimentaire actuel est conçu permet à l’agriculture canadienne de prospérer dans les assiettes des consommateurs, souligne M. Charlebois. Mais il est ici question de bonne nutrition, pas juste de développement économique. »
Certains professionnels des soins de santé qui utilisent régulièrement le guide, comme Michelle Johnson, infirmière en santé publique, trouvent aussi que le document ne parle pas beaucoup aux jeunes. Ce groupe est bombardé de régimes qui privilégient les protéines aux dépens des glucides et vantent les avantages des soi-disant super-aliments au lieu de préconiser une alimentation équilibrée.
Par ailleurs, le guide actuel recommande aux femmes de 19 à 50 ans de manger six à sept produits céréaliers par jour, le nombre recommandé étant de huit pour les hommes du même âge. « Les gens regardent ça et trouvent que c’est trop », déplore Mme Johnson. Elle travaille à Boissevain (Man.), pour Santé Prairie Mountain, l’un des offices régionaux de la santé du Manitoba. « Du coup, ils ne trouvent pas le guide utile parce qu’il ne leur semble pas réaliste pour eux. »
Elle aimerait que le nouveau guide propose des portions moyennes pour chaque groupe d’aliments. Elle aimerait aussi disposer de guides conçus pour des groupes d’âge spécifiques, des tout jeunes enfants aux aînés.
Les commentaires de Mme Johnson font partie des suggestions recueillies par Santé Canada lors d’une consultation en ligne effectuée d’octobre à décembre dernier au moyen d’un questionnaire. Selon Mme Ellis, Santé Canada analyse actuellement ces commentaires et affichera un résumé sur son site Web au printemps.
Il est encore trop tôt pour connaître le contenu du guide, mais son aspect pourrait changer, laisse entrevoir Mme Ellis. Santé Canada envisage de créer des outils et des ressources différents, axés sur divers publics.
Elle confirme que fin 2017, Santé Canada publiera un document de politique sur les recommandations alimentaires à l’intention des responsables des politiques et des professionnels des soins de santé. Des messages clés pour le public seront aussi publiés.
Cette décision est bien accueillie par Diététistes du Canada, a déclaré la diététiste et porte-parole Kate Comeau. L’organisme a insisté auprès de Santé Canada pour que le ministère revienne à sa pratique d’avant 2007 et publie un document séparé avec le contexte et les explications derrière les choix alimentaires recommandés dans le guide. « C’est vraiment difficile quand tout est dans le même document (un document de politique et un outil pour guider les gens). »
Les diététistes veulent des outils différents, affirme Mme Comeau, entre autres un guide pour les personnes âgées et un autre conçu pour les personnes peu alphabétisées. Des membres de son organisation ont également suggéré que le nouveau guide fasse la distinction entre les aliments peu transformés et ceux qui sont grandement transformés, et que l’on y soulève la question de savoir si les aliments consommés par les Canadiens sont écologiques, viables d’un point de vue économique et abordables. Diététistes du Canada a remis ses recommandations sommaires à Santé Canada en décembre.
Publié pour la première fois en 1942 pour favoriser une alimentation nourrissante et équilibrée en dépit des rationnements imposés pendant la guerre, le guide a depuis été revu à sept reprises, dont la dernière remonte à 2007. C’est cette version que critique, entre autres, M. Charlebois. Santé Canada a promis la transparence, pendant ces consultations, en ce qui concerne d’éventuels contacts et rencontres avec l’industrie alimentaire, une mesure qu’applaudit Mme Comeau.
« La confiance du public est importante, et l’information que contient le guide doit se fonder sur les meilleures données scientifiques disponibles », estime-t-elle.
Le personnel infirmier, les diététistes et les autres parties prenantes, y compris le public, pourront donner leur avis pendant la prochaine série de consultations en ligne, qui commencera en mai ou en juin. La date exacte n’est pas encore connue au moment de mettre sous presse, mais Mme Ellis encourage le milieu infirmier à participer, ajoutant qu’il est possible que le ministère organise aussi des groupes de discussion. « Nous souhaitons savoir... ce que le milieu infirmier pense et ce qui lui serait le plus utile. »
Santé Canada prévoit rendre publics les nouveaux outils fin 2018, y compris les recommandations pour les quantités et les types d’aliments et les ressources complémentaires.
La stratégie pour une alimentation saine : des étiquettes plus claires et moins de sel, de sucre et de publicité
La stratégie de Santé Canada en matière de saine alimentation vise à promouvoir la santé publique en faisant en sorte que les Canadiens reçoivent la meilleure information possible sur ce que contiennent nos aliments et ce qui constitue une alimentation saine, et qu’ils accèdent plus facilement à de meilleurs aliments, plus nutritifs.
La solution passe entre autres par la révision du Guide alimentaire canadien pour aider les Canadiens à adopter une alimentation plus saine et, ce faisant, réduire le fardeau imposé au système de soins de santé par les maladies chroniques liées à l’alimentation. Les nouveaux outils et ressources seront accompagnés de modifications de l’affichage des informations nutritionnelles et des ingrédients sur les étiquettes des aliments préemballés (voir « Pour nourrir notre réflexion »). Ces changements comprennent le regroupement des ingrédients similaires, la normalisation de la taille des portions et l’indication des niveaux élevés de sucre, de gras et de sodium.
Santé Canada s’attaque aussi à notre goût excessif pour les aliments salés. En collaboration avec les provinces et des groupes concernés, dont Diététistes du Canada, le ministère prépare une campagne de sensibilisation pour aider la population canadienne à réduire sa consommation de sodium. Au printemps, des consultations débuteront dans le but de fixer des objectifs volontaires destinés aux fabricants, pour qu’ils réduisent la quantité de sodium dans leurs produits.
Ottawa adopte toutefois une position plus stricte sur les gras trans. En novembre dernier, des consultations ont débuté sur la modification de la Loi sur les aliments et les drogues pour interdire l’utilisation d’huiles partiellement hydrogénées, décrites comme la source principale de gras trans dans les aliments vendus au Canada. Le gouvernement accordera probablement une période de transition à l’industrie pour cesser d’utiliser les huiles visées.
Santé Canada a de plus annoncé la mise en place de restrictions sur la publicité à l’intention des enfants pour les aliments et boissons qui ne sont pas bons pour la santé. Cette mesure est mise de l’avant, entre autres, par la Sénatrice Nancy Greene Raine, qui a présenté un projet de loi d’initiative parlementaire pour interdire toute publicité à l’intention des enfants pour des aliments ou des boissons (voir « Pour nourrir notre réflexion »).
Enfin, le gouvernement fédéral a promis d’améliorer Nutrition Nord Canada, un programme de contributions aux commerçants pour réduire le prix très élevé des aliments dans le Nord et rendre les choix santé, comme les fruits et les légumes, plus accessibles et abordables. Santé Canada consulte actuellement des membres de la communauté pour trouver des manières d’améliorer le programme, celui-ci ayant été vivement critiqué parce qu’il ne subventionne pas directement les consommateurs. Le gouvernement n’a pas encore annoncé les changements qui résulteront des consultations.
Laura Eggertson est journaliste indépendante à Ottawa (Ont).
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