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Des propositions du gouvernement et des projets de loi d’initiative parlementaire s’attaquent au besoin d’informations plus claires sur les étiquettes et de restrictions sur les publicités pour des aliments et des boissons
mars 04, 2017, Par: Rose Simpson
Les modifications proposées du Règlement sur les aliments et drogues du Canada visent à améliorer l’étiquetage des aliments pour rendre l’information sur les aliments préemballés plus facile à utiliser et à comprendre pour les consommateurs. Santé Canada a donné à l’industrie alimentaire jusqu’en décembre 2021 pour se conformer à la nouvelle réglementation.
Si les experts en nutrition approuvent les changements proposés, ils craignent qu’ils n’entrent en vigueur trop tard pour enrayer ce qu’une infirmière gestionnaire appelle une épidémie de diabète, au Canada et à travers le monde.
« Quelque 3,5 millions de Canadiens ont reçu un diagnostic de diabète, et 11 millions au total ont des anomalies glycémiques, diabète, pré-diabète et autres, souligne Lori Berard, qui dirige le groupe de recherche sur le diabète au Health Sciences Centre à Winnipeg. Les personnes pré-diabétiques courent exactement le même risque de maladie du cœur que celles qui sont diabétiques. »
Les étiquettes sur les aliments peuvent provoquer la confusion, surtout chez ceux qui essayent de modifier leur alimentation. Beaucoup ont besoin de l’aide de diététistes pour s’y retrouver dans le dédale d’information affichée sur les aliments.
L’échéancier fixé pour l’industrie alimentaire inquiète un député qui demande au gouvernement de se concentrer sur le sucre, principal coupable des maladies. En mars dernier, le député néo-démocrate Don Davies a déposé le Projet de loi C-257, pour modifier la Loi sur les aliments et drogues. En vertu de ce projet de loi, le contenu en sucre des aliments pré-emballés figurerait en bonne place sur l’étiquette.
« Il est démontré que l’étiquetage influence les décisions des consommateurs en matière d’achats, affirme M. Davies. Avec ce projet de loi, nous disons que le sucre pèse dans la balance. Les consommateurs devraient savoir, d’entrée de jeu, combien de sucre contiennent les produits, sans qu’on les mène en bateau. »
M. Davies espère que le gouvernement mettra ce projet de loi au programme et en fera une priorité. Sinon, déplore-t-il, trois années pourraient s’écouler avant qu’il soit étudié et débattu, tant il est loin dans la file d’attente.
En 2014, M. Davies avait déposé un projet de loi presque identique (C-602) qui n’a pas été adopté. Ce sont des élèves de sa circonscription qui lui en ont donné l’idée, dans le cadre d’un concours en ligne qu’il organise chaque année. « J’ai trouvé intéressant que de jeunes Canadiens, des élèves de 16 à 17 ans, soient non seulement au courant de l’impact du sucre, mais se préoccupent aussi de l’information que reçoivent les consommateurs. »
Sa lutte est également personnelle. Il y a deux ans, sa mère a découvert qu’elle était atteinte de diabète de type 2. « J’ai aussi trois enfants, et ma plus jeune a des besoins spéciaux. Or combattre l’obésité est particulièrement difficile chez ces enfants. »
Le gouvernement prévoit combiner tous les sucres sur les tableaux de la valeur nutritive, mais sans faire la distinction entre les sucres ajoutés et les sucres naturels. Diabète Canada craint que ce plan n’aille pas assez loin.
« Les séparer serait bien plus efficace pour aider les gens à réduire leur consommation de sucre ajouté (ou libre), fait valoir Joanne Lewis, directrice, programmes de nutrition et saine alimentation, à Diabète Canada. C’est selon nous une occasion manquée, et nous comptons voir cette distinction à l’avenir. »
Ce n’est pas si simple, réplique Renelle Briand, porte-parole de Santé Canada. « Les sucres ajoutés sont des ingrédients ajoutés par les fabricants et qui doivent être déclarés dans la liste d’ingrédients, explique-t-elle. Le tableau de la valeur nutritive indique la quantité d’éléments nutritifs, pas les ingrédients. Sur le tableau, la quantité de sucres dans l’aliment est incluse dans la quantité totale de sucres, comme pour les autres éléments nutritifs. De plus, les tests en laboratoire ne permettent pas de distinguer les sucres présents naturellement de ceux qui sont ajoutés. »
Étiquetage sur le devant de l’emballage
Santé Canada étudie également la possibilité d’imposer un étiquetage sur le devant de l’emballage. Le ministère a organisé des consultations publiques sur la question en décembre 2016 et janvier 2017, et les commentaires l’aideront à préparer le règlement qu’il proposera dans le courant de l’année.
L’étiquetage sur le devant des emballages ne remplacerait pas le tableau de la valeur nutritive, explique Mme Briand. « C’est un complément simple au tableau. Il permettra aux consommateurs d’accéder à de l’information simplifiée sur la nutrition, ce qui les aidera à faire des choix alimentaires plus sains lorsqu’ils ont peu de temps, de motivation ou un faible niveau de littératie en santé. »
L’information sera présentée sous forme de symboles, qui signaleront les aliments riches en sucres, en sodium et en gras saturés.
Étiquetage des aliments génétiquement modifiés
Un autre projet de loi d’initiative parlementaire sur l’étiquetage a été déposé en juin dernier par le député NPD Pierre-Luc Dusseault. Selon lui, les étiquettes des aliments pré-emballés doivent indiquer s’il s’agit d’aliments génétiquement modifiés (GM) pour que les gens sachent quand ils en mangent.
Comme le précise le Projet de loi C-291, ce type d’étiquetage empêcherait « que l’acheteur ou le consommateur d’un aliment ne soit trompé sur sa composition ».
L’objectif du projet de loi est de rendre le secteur alimentaire plus transparent, explique M. Dusseault. « Avec la mention OGM [organisme génétiquement modifié] sur l’étiquette, les consommateurs pourront faire des choix mieux informés en sachant ce que contiennent les aliments qu’ils achètent, souligne-t-il. Le gouvernement libéral a promis plus de transparence et d’ouverture; plus de 60 États à travers le monde ont rendu obligatoire l’étiquetage des OGM. Il est temps que le Canada en fasse autant. »
Au Canada, l’étiquetage des aliments génétiquement modifiés n’est exigé que pour les aliments posant un risque scientifiquement déterminé pour la santé, un allergène, par exemple, ou pour les modifications significatives de la composition ou des caractéristiques nutritives dont on peut atténuer les risques grâce à l’étiquetage.
En 2011, Alex Atamanenko, alors député du NPD, a déposé le Projet de loi C-257 en vertu duquel la ministre de la Santé aurait dû identifier les ingrédients génétiquement modifiés des aliments, en publier la liste dans la Gazette du Canada et imposer une étiquette GM pour tous les aliments contenant des ingrédients génétiquement modifiés. Ce projet de loi n’a pas été adopté.
Le Projet de loi C-291 a franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes.
Au printemps dernier, Santé Canada a sondé le public pour mieux comprendre ce que les consommateurs savent des produits alimentaires issus de la biotechnologie et leurs attitudes et comportements à leur égard. Selon le sondage, 78 % des Canadiens sont favorables à l’étiquetage obligatoire des aliments GM.
Interdire la publicité destinée aux enfants
Santé Canada introduira de nouvelles restrictions sur la commercialisation de « boissons et aliments malsains » s’adressant aux enfants. Pour étayer la stratégie fédérale, le ministère a commencé par organiser une table ronde sur les politiques, en novembre dernier, afin de recueillir les avis d’experts canadiens et étrangers sur les principaux aspects comme la portée des publicités, l’âge des enfants composant l’auditoire et les aliments pour lesquels imposer des restrictions.
Le ministère étudie également le Projet de loi S-228, projet de loi d’initiative parlementaire présenté par la sénatrice conservatrice Nancy Greene Raine en septembre dernier, pour voir s’il converge avec la stratégie du gouvernement sur la question.
En vertu du Projet de loi S-228, les fabricants de produits alimentaires et de boissons n’auraient pas le droit d’emballer ou d’étiqueter leurs produits de manière à s’adresser principalement aux enfants, explique Mme Raine. La publication et la diffusion de publicités pour des aliments et des boissons où l’on voit des produits, des étiquettes, des marques ou des logos qui attirent les enfants seraient interdites. Les attestations et témoignages ciblant les enfants, qu’ils viennent de personnes, de personnages ou d’animaux, réels ou fictifs, seraient interdits de même que toutes les contreparties offertes à des acheteurs ou à des tiers.
Mme Raine dit avoir proposé le projet de loi parce qu’elle s’inquiète de la prolifération de publicités pour des aliments vides s’adressant aux enfants dans les médias papier, électroniques et sociaux. « Il est incontestable que les publicitaires ciblent les enfants. »
Des députés ont déjà tenté de faire adopter des projets de loi interdisant les publicités s’adressant aux enfants (comme le Projet de loi C-430 en 2012), mais sans succès.
Le gouvernement du Québec a été le premier au Canada à adopter une loi de ce type. Depuis 1980, la publicité destinée aux enfants est interdite en vertu de la Loi sur la protection du consommateur de la province. La publicité est prise au sens large dans la loi : tous les formats et tous les médias sont visés s’ils sont utilisés pour distribuer ou diffuser des publicités à but commercial.
« Le Projet de loi S-228 s’harmonise bien à la législation québécoise, qui concerne une seule forme de marketing : la publicité, a déclaré Mme Raine au Sénat. Il y a beaucoup d’autres façons de faire de la commercialisation, et le projet de loi S-228 cherche à rendre compte de toutes ces techniques. Peu importe la forme qu’elles prennent, toutes les pratiques de marketing destinées aux enfants sont tout simplement mauvaises. »
La Loi sur les aliments et drogues « prévoit des sanctions sévères pour les infractions. Elles sont suffisamment importantes pour avoir un effet dissuasif réel si le projet de loi est adopté », affirme-t-elle.
Le Projet de loi S-228, appelé Loi sur la protection de la santé des enfants, a été adopté en deuxième lecture et soumis au Comité sénatorial des Affaires sociales, sciences et technologie.
La Coalition Arrêtons la pub destinée aux enfants, qui compte parmi ses membres la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, les Diététistes du Canada et Diabète Canada, applaudit le projet de loi.
Rose Simpson est journaliste indépendante à Ottawa.
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