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La vie avant tout

  
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Pionnière en soins palliatifs pédiatriques, Marion Rattray a aidé à rendre le temps qu’il reste à vivre aux enfants mourants le plus agréable possible.

Sep 01, 2016, By: Laura Eggertson
Marion Rattray
Teckles Photography Inc.

Avant même que naisse Marion Rattray, sa vie avait déjà été influencée par la terrible peine de ses parents, qui avaient perdu un enfant.

Après avoir accouché d’une petite fille mort-née, la mère de Mme Rattray n’a pas pu voir ou tenir dans ses bras son premier enfant pour faire son deuil. Voyant l’effet de cette perte sur sa mère pendant toute sa vie, Mme Rattray a décidé de devenir infirmière pédiatrique, l’une des premières spécialisées dans les soins palliatifs pédiatriques au Canada.

Mme Rattray avait trois jours quand elle a été adoptée, en 1947. Elle a grandi avec l’histoire de Bébé Joan, ce premier enfant. « Toute sa vie, ma mère a souffert de cette perte mal gérée, estime Mme Rattray. J’ai vu sa douleur, j’ai vécu avec, et je n’ai pu qu’éprouver de l’empathie et de la compassion pour les parents qui perdent un enfant. »

Mme Rattray a obtenu son diplôme de l’école de sciences infirmières de l’Hôpital de Sherbrooke en 1968. Après y avoir travaillé cinq ans, elle a été embauchée comme infirmière générale en chef au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO) à Ottawa.

Mme Rattray a passé les 19 premières années de sa carrière de 41 ans au CHEO, au service de santé des adolescents. À l’époque, les jeunes atteints d’une maladie limitant leur espérance de vie, comme la fibrose kystique, étaient soignés dans le même service que les autres patients du même âge avec d’autres problèmes de santé allant d’une jambe cassée à l’anorexie mentale. Il n’y avait pas de spécialistes des soins palliatifs pédiatriques : le personnel infirmier devait s’occuper des différents types de patients.

Au début, Mme Rattray s’inquiétait de se voir confier des patients mourants. « Les parents observent chacun de nos gestes quand ils sont au chevet d’un enfant condamné. C’est angoissant d’être observé et bombardé de milliers de questions », avoue-t-elle.

Peu de recherches portaient sur la gestion de la douleur et les soins palliatifs pour enfants. Initialement, Mme Rattray ne savait pas comment bien défendre les droits de ses patients et de leur famille. Puis elle a décidé de reconnaître que leur maladie était incurable, de se concentrer sur le traitement des symptômes et de rendre le temps qui leur restait le plus agréable possible.

« J’ai toujours été attirée par ces familles, confie-t-elle. Je semble pouvoir leur apporter un certain réconfort, ne serait-ce qu’une minute. »

Mme Rattray a vu la nécessité d’une formation et d’une pratique spécialisées en soins palliatifs. Auprès de la famille d’une adolescente de 14 ans atteinte d’une leucémie, par exemple, Mme Rattray a appris l’importance d’un geste qu’elle considérait comme mineur : rester avec eux à la fin de son quart, jusqu’à ce que leur fille ait fini son traitement de chimiothérapie.

« J’ai vu la différence que ce soutien faisait pour eux, souligne-t-elle. Ils m’en ont si souvent reparlé. Le fait que je le fasse sur mon temps personnel montrait que je me souciais véritablement d’eux. »

Auprès de la famille d’un jeune garçon sous ventilation assistée jusqu’à sa mort, Mme Rattray a appris comme les parents se cramponnent à leurs enfants mourants. Elle aurait aimé savoir leur dire à l’époque ce qu’elle leur dirait maintenant : que les parents et les soignants doivent se demander s’ils agissent pour les enfants ou pour eux-mêmes.

Mme Rattray a également découvert le travail du Dr Balfour Mount, l’un des premiers médecins en soins palliatifs du Canada, et le programme de soins palliatifs qu’il a créé à l’Hôpital Royal Victoria, à Montréal. Tout au long de son ascension professionnelle au CHEO, depuis ses fonctions d’infirmière-chef clinicienne à l’unité de soins pédiatriques à celles de directrice par intérim des opérations à l’unité d’hématologie-oncologie, Mme Rattray a continué son apprentissage sur les soins palliatifs.

De 2000 à 2005, elle a suivi une formation à distance avec l’Université de Dundee, en Écosse, et a obtenu à l’âge de 60 ans son baccalauréat en sciences infirmières avec une spécialisation en soins palliatifs. (Elle a également obtenu sa certification d’infirmière en soins palliatifs de l’AIIC.)

Elle a pu mettre ses connaissances en pratique lorsqu’elle a été officiellement détachée au programme de soins palliatifs du CHEO. En 2004, lorsque l’ancien entraîneur assistant des Sénateurs d’Ottawa est mort et que la Fondation des Sénateurs d’Ottawa a pressenti le CHEO pour construire un centre de soins palliatifs pour enfants, Mme Rattray a pris les commandes. Elle a passé les deux années suivantes à fonder la Maison de Roger et à collecter des fonds pour elle. Lors de l’ouverture en 2006, Mme Rattray était devenue directrice des soins palliatifs du CHEO et du centre de soins palliatifs. Elle a pris sa retraite en février 2016.

En dépit d’adieux éprouvants et répétés à des enfants auxquels elle s’attachait, Mme Rattray aimait beaucoup son travail. Elle faisait front en évitant de ramener leur histoire à David, son mari, en rentrant chez elle et en n’oubliant jamais sa chance d’avoir deux fils, Scott et Kevin, deux belles-filles, Michelle et Shannon, et six petits-enfants, tous en bonne santé. Elle reprenait des forces en faisant du golf et des promenades à pied, et en allant au chalet, près d’Eganville (Ont.), où elle lisait et suivait la vie de la famille royale britannique, un agréable divertissement.

Mme Rattray continue d’organiser des groupes de soutien pour les parents en deuil et en crée un pour les grands-parents. Elle fait aussi des présentations et aide à collecter des fonds pour les soins palliatifs pédiatriques et pour la Maison de Roger.

« C’est incroyablement satisfaisant », déclare Mme Rattray au sujet de son travail. Elle n’oubliera jamais les parents qui lui parlaient, même en suivant la civière sur laquelle leur enfant quittait la Maison de Roger pour la dernière fois. « Que ces parents se retournent pour me dire “Je ne pourrai jamais assez vous remercier”, alors que leur enfant venait juste de mourir, je trouve ça incroyable, s’émeut Mme Rattray. Le simple fait de pouvoir aider un peu cette famille et cet enfant, ça n’a pas de prix. J’ai reçu tellement plus que ce que j’ai donné. »

10 questions with Marion Rattray

Si vous pouviez changer une chose en vous, qu’est-ce que vous changeriez?
J’aimerais pouvoir recommencer ma carrière au début avec le savoir, la sagesse et l’expérience que j’ai aujourd’hui.

Quelle est l’une des choses que les gens seraient surpris d’apprendre à votre sujet?
Je suis en réalité assez timide, même si j’ai l’air très à l’aise.

« Si j’avais plus de temps libre, je ... »
Je suivrais des cours de cuisine gastronomique.

Où avez-vous passé vos dernières vacances?
À l’île Bowen (près de Vancouver), où je suis allée voir une amie d’enfance, infirmière elle aussi.

Quel est l’endroit du monde que vous aimeriez le plus visiter?
L’Afrique, pour observer les primates dans leur milieu naturel

Quel est le dernier livre que vous avez lu et aimé?
Matrons and Madams de Sharon Johnston

Y a-t-il une personne en particulier qui vous a donné envie de devenir infirmière ou infirmier et si oui, qui était-ce?
J’ai été hospitalisée à cinq ans, et j’ai été soignée par des infirmières formidables.

Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu pour votre carrière?
Ne refuse jamais un projet ou un poste temporaire qui te fera sortir de ta zone de confort.

Qu’est-ce que vous aimez le moins dans le métier d’infirmière/infirmier?
Le manque de véritable travail d’équipe dans les équipes interprofessionnelles

S’il était en votre pouvoir de changer une chose dans le système de soins de santé, qu’est-ce que vous changeriez?
Je permettrais au personnel infirmier d’utiliser pleinement ses compétences et de jouer un rôle accru dans le système de santé.


Laura Eggertson est journaliste indépendante à Ottawa.

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